Entre électromobilité et enjeux sociétaux, Volvo Trucks France s’engage sur la route du changement durable
Interview Truckeditions : Marcus Hörberg, Président de Volvo Trucks France
Avec la conviction que lutter contre le changement climatique implique des actions concrètes et une réponse radicale*, Volvo Trucks s’implique le premier dans le lancement d’une gamme complète de véhicules électriques prêts à être commandés.
Truckeditions a interrogé Marcus Hörberg, Président de Volvo Trucks France depuis le 1er février dernier, à propos des convictions environnementales qu’il partage avec sa marque et aussi concernant les ambitions du premier eTruck Tour effectué en septembre, avant sa dernière étape sur le circuit des 24 Heures du Mans, où nous l’avons retrouvé.
Marcus Hörberg, dans son rôle de président, porte des valeurs sociétales et humanistes fortes, il nous en parle en fin d’entretien avec la création de son programme « Iron Women » destiné à la formation de femmes conductrices de poids lourd, une réponse concrète au manque cruel de main d’œuvre récurrent dans le transport routier en France comme en Europe.
Nous pouvons d’orse et déjà affirmer que Volvo Trucks a ouvert une « eMarche » et certains autres constructeurs emboîtent d’ailleurs le pas de la marque, avec dès ce mois-ci en France pour les mêmes raisons durables, de nouvelles présentations de véhicules électriques.
Truckeditions : nous nous rencontrons aujourd’hui au Mans. Après une semaine passée sur votre eTruck Tour, pouvez-vous nous dire pour quelles raisons vous avez fait le choix d’organiser cet E-Tour précisément ?
Marcus Hörberg :
“Bien sûr, nous voulions présenter notre nouvelle gamme de camions poids lourds électriques : le FH, le FMX et le FM.
Nous avons débuté, il y a peu de temps, avec le lancement de la gamme moyenne électrique et maintenant nous complétons la gamme avec nos camions poids lourds et nous sommes fiers d’être les premiers à avoir cette gamme désormais complète à proposer.
Donc pendant cet eTruck Tour et avec ce lancement de gamme, nous voulons sensibiliser nos clients mais nous souhaitons aussi sensibiliser la société, parce que nous avons décidé de participer à la transformation de notre industrie en quelque chose de plus durable, en quelque chose de mieux pour nos enfants et pour les générations futures.
Nous avons pris la décision de faire de l’industrie du transport une filière neutre en CO2.
Le transport sera toujours nécessaire et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour avoir une industrie du transport neutre en CO2 et rester aussi en phase avec notre objectif d’être alignés avec les accords de Paris. Nous avons déjà passé une étape et nous voulons résolument avancer et être les leaders dans cette démarche. Mais nous ne pouvons pas avancer seuls, cela nécessite le concours de nos clients qui ont besoin de ces nouvelles solutions et cela requiert aussi l’assistance de la société toute entière pour aller plus loin.”
Truckeditions : au regard de cette vaste démarche durable, quels sont vos objectifs concrets, tant pour les transporteurs que pour les conducteurs ?
Marcus Hörberg :
“Avec ce jeu complet de camions électriques, nous avons commencé ce long chemin évoqué plus haut et nous notons qu’il y a encore beaucoup de questions, c’est nouveau pour beaucoup de nos clients.
Nous voulons leur montrer que nous avons les solutions et les réponses à leurs questions, tant au niveau des solutions de charge que des solutions financières.
Nous devons travailler et penser un peu différemment à l’avenir par rapport à ce qui se passait lorsque les camions diesel étaient utilisés : vous avez toujours des stations où faire le plein des camions le long des routes, et à l’avenir avec un camion électrique vous pourrez également faire le plein via des chargeurs dans des stations publiques mais vous pourrez également avoir votre propre solution personnalisée, vous aurez aussi la possibilité de charger vos batteries dans vos propres dépôts ou dans nos ateliers ou même sur les lieux où vous travaillez ponctuellement, donc avec ce nouveau schéma, nous avons une solution très flexible.
Concernant les problématiques d’acquisition de ces nouveaux camions électriques, nous proposons un package financier qui inclut la location et nous pouvons ainsi supprimer les questions concernant la valeur résiduelle des camions, nous prenons ce risque à notre charge et nous sommes convaincus que nous serons en mesure de le gérer. Avec la solution de location, le client n’a pas besoin de s’inquiéter de la valeur de revente du camion.
Nous aidons nos clients à penser d’une nouvelle manière et à être fiers d’être pionniers pour emmener ce monde dans la bonne direction.”
Truckeditions : justement, quels sont les impressions et les retours d’expérience générés pendant cette tournée sur les routes de France ?
Marcus Hörberg :
“L’autonomie des camions a été une des questions les plus récurrentes et comme je l’ai mentionné, il faut dorénavant faire les choses différemment. La revente de ce type de véhicule a aussi été un grand point d’interrogation, auquel nous avons répondu avec notre système de location. À l’échelle de ce tour, nous avons perçu beaucoup d’intérêt pour débuter, et nous n’en sommes qu’au tout début de notre histoire avec la mobilité électrique.
Lors des essais de camions, les clients et les conducteurs sont souriants, la première impression quand ils sortent des camions, est toujours que « c’est complètement silencieux », ce qui est bien sûr bon pour les conducteurs et leur bien-être pendant les temps de roulage. Ensuite, ils notent que la conduite est facile, souple et réactive, « c’est comme conduire une voiture, en fait ».
Et puis, pour être en conditions réelles de conduite, tous les camions d’essai étaient chargés et certains clients pouvaient à peine le croire tant la conduite était aisée. Je n’ai pas entendu de clients déçus, ils ont compris qu’ils avaient besoin d’une formation pour conduire ces nouveaux camions électriques, c’est un peu différent.
Et comme la conduite est un élément très important pour l’économie de carburant, dans ce cas, elle permet de prolonger les distances que l’on peut parcourir, donc le conducteur doit être formé, il faut vraiment s’habituer à penser autrement... “
Truckeditions : et vous personnellement, qu’est-ce que vous pourriez dire de plus aux conducteurs routiers pour qu’ils passent à cette nouvelle mobilité électrique ?
Marcus Hörberg :
“Je pense à des raisons de santé publique, et pas des moindres, je pense que ce sont de bonnes raisons de regarder sérieusement la piste de l’énergie électrique et il y a bien sûr la sécurité, qui est toujours en tête de nos préoccupations. C’est l’une de nos valeurs fondamentales et ça l’a toujours été.
La conduite d’un camion électrique devrait être l’expérience la plus sûre et nous voulons que nos clients conducteurs la considèrent pour rentrer à la maison auprès de leur famille. Essayez-la pour votre famille !”
Truckeditions : nous avons parlé tout à l’heure de la nécessité de former les gestionnaires de flotte mais aussi les conducteurs à l’utilisation de ces nouveaux véhicules électriques, comme vous le dites, la gestion des missions et la conduite évoluent.
Plus largement, nous savons que vous êtes également impliqués dans un programme de formation dédié aux femmes qui veulent devenir conductrices, pouvez-vous nous parler de ce programme ” Iron Women ” que vous avez créé au Pérou ?
Marcus Hörberg :
“C’est vrai oui, c’est un programme qui me tient particulièrement à cœur. Nous avons commencé à le développer en 2015 au Pérou. Tout comme en France, il y a un manque de conducteurs qualifiés et nous avons pensé que si nous ne prenions pas en compte les femmes en tant que conductrices potentielles, nous perdions 50 % de l’effectif possible et cela n’avait pas vraiment de sens à nos yeux, donc nous nous sommes dit que nous allions voir s’il y avait des femmes intéressées par le métier de conducteur de poids lourds. Au début, il y avait beaucoup de résistance parce que de nombreux marchés et notre industrie sont dominés par les hommes avec parfois une attitude machiste qui l’emporte, mais nous avons persisté en pensant qu’il devait y avoir des femmes intéressées par la conduite des camions et sans doute des clients prêts à accepter les femmes comme camionneurs. Aussi, il faut savoir que les femmes sont statistiquement moins impliquées dans les accidents de la route, c’est un fait, et cela signifie pour le transporteur que le camion reste sur la route, avec un gain en productivité et de la rentabilité logiquement en plus pour l’entreprise.
C’est un bon argument, et bien sûr dans la même logique, si vous évitez les accidents, vous évitez les coûts de réparation, ce qui est une autre bonne raison… En limitant le nombre d’accidents, vous contribuez à rendre les routes plus sûres, et au Pérou c’est plus qu’important, 3 500 personnes par an meurent dans des accidents de la route, soit 10 personnes par jour.
Ensuite, nous avons commencé le programme en Afrique du Sud, où la situation était encore pire, avec 14 000 accidents de la route mortels par an. Nous avons eu beaucoup de doutes au début, mais avec une demande de plus en plus forte de la part des femmes, le taux de chômage étant de 40 %. C’était une belle possibilité pour les femmes d’avoir une chance de suivre une formation, d’apprendre quelque chose et de trouver un emploi en même temps que nos clients obtenaient des conducteurs. Au final, ça a été vraiment une solution Gagnant-Gagnant pour la société, pour ces femmes et pour les clients.
Truckeditions : le contexte social n’est pas tout à fait le même en France, nous faisons d’abord face à une pénurie drastique de conducteurs routiers** mais la condition des femmes n’est pas dégradée comme au Pérou ou en Afrique du Sud, avez-vous adapté le programme « Iron Women » au contexte français** ?
Marcus Hörberg :
“Même si ce n’est pas la même situation ici, quand il s’agit de taux de chômage, c’est le manque de conducteurs le problème le plus important en France. Le programme « Iron Women » sera ici sensiblement le même. Si on ne prend pas en compte les effectifs féminins, on perd beaucoup d’opportunités, et statistiquement, les femmes peuvent contribuer à améliorer les affaires de nos clients, donc c’est une autre bonne raison.
Bien que le contexte soit un peu différent, je pense que c’est toujours un programme important à mettre en place et je crois que les premières « Iron Women » seront prêtes en mai ou en juin 2023, donc c’est quelque chose que nous attendons tous avec impatience.
Je vois un autre avantage à cette initiative en France : beaucoup d’enquêtes montrent que les entreprises plus diversifiées sont plus rentables et c’est aussi mon expérience : le travail avec une équipe diversifiée est plus agréable, plus dynamique et plus enrichissant.
Je suis personnellement convaincu que beaucoup de nos entreprises de transport ont besoin de plus de diversité et de mixité.
Je pense que les jeunes d’aujourd’hui, aussi bien les jeunes hommes que les jeunes femmes, veulent travailler dans une entreprise diversifiée. Et si vous êtes en capacité de montrer que vous êtes ce type d’entreprise, vous attirerez les meilleurs talents et c’est aussi quelque chose que nous souhaitons à nos clients, je pense donc que c’est un bon début pour commencer en France.
La conclusion de Marcus Hörberg : « J’ai grandi dans une petite ville au milieu de nulle part en Suède, c’est sans doute la raison pour laquelle j’ai autant voyagé autour du monde avec mon épouse, originaire elle aussi de la même ville. Pendant cette vingtaine d’années, nous avons travaillé dans différents pays, de la Roumanie à la Serbie en passant par le Maroc, le Pérou et l’Afrique du Sud.
Ce fut une expérience fantastique et nous avons accompagné des clients de cultures et de langues différentes, et je peux dire qu’une chose est identique partout : ils ont tous besoin de soutien pour relever leurs défis »
Catherine Mahé Godeloup pour Truckeditions
*L’ambition du ZERO émissions mondial se traduit pour Volvo Trucks par 50 % des ventes mondiales électriques en 2030, et en Europe, l’objectif est de 70 % dans le même temps.
** La pénurie de salariés dans les métiers du transport est estimée à 50.000 personnes en France, 90% du transport de marchandises s’y fait par route, malheureusement la population des conducteurs routiers est vieillissante, ce métier manque d’attractivité : emploi du temps versus qualité de vie, pénibilité et salaire sont souvent mis en cause dans cette érosion sans solution immédiate, tous les pays européens souffrent également de cette même pénurie.
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