Jean-Yves Kerbrat, président de MAN Truck & Bus France : “la décarbonation du transport demande une implication et une vision à court et à long terme”
MAN Truck & Bus France a réaffirmé son engagement en faveur du transport durable lors d’un événement organisé en collaboration avec Neste, leader des biocarburants durables. À l’occasion de cette rencontre, les deux entités ont emmené les participants visiter la raffinerie de biocarburants Neste à Rotterdam, qui est la plus grande d’Europe avec une capacité de production de 2,7 millions de tonnes par an. L’objectif était de mettre en évidence le rôle des biocarburants dans la décarbonation du transport. Les deux entreprises ont partagé leur stratégie pour le marché français et ont défendu l’utilisation des biocarburants durables en présence également de la société Altens, distributeur de biocarburants sur le marché français.
MAN Truck & Bus France considère l’électromobilité comme une priorité et a déjà lancé plusieurs modèles électriques sur le marché. Les véhicules utilitaires MAN eTGE représentent plus de 10% des ventes de la marque en France. Cependant, en attendant la maturité complète de la technologie électrique, MAN met l’accent sur les biocarburants durables comme une transition vertueuse vers une mobilité sans émissions. Toute la gamme de véhicules MAN, y compris les camions, les bus et les utilitaires, est compatible avec le HVO 100, un biocarburant de nouvelle génération. MAN encourage la reconnaissance du HVO 100 par les autorités et plaide pour des avantages fiscaux et des mesures incitatives pour favoriser son utilisation :
« Il est souhaitable que la DGEC (Direction Générale de l’Énergie et du Climat) reconnaisse le HVO 100 comme un carburant qui favorise la décarbonation du transport et crée une catégorie d’immatriculation H1 ; mais aussi que le Bureau de la Qualité de l’Air accorde, dès lors que le biocarburant HVO 100 est utilisé en exclusif, aux véhicules la même vignette Crit’Air que pour les véhicules immatriculés B1 ou roulant au biogaz, soit le Crit’Air 1, et pour finir que le Ministère de l’Economie et des Finances accorde les mêmes avantages fiscaux de suramortissement pour un véhicule immatriculé H1 que pour ceux immatriculés B1.
En outre la distribution des biocarburants devrait être libérée et il faudrait également dans la même logique que la Tiruert (taxe incitative relative à l’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports) qui intègre désormais l’électrique bénéficie pour cela d’un budget complémentaire et non ponctionné sur le budget attribué auparavant seulement aux biocarburants »
explique Jean-Yves Kerbrat, Directeur Général de MAN Truck & Bus France
Truckeditions a rencontré Jean-Yves Kerbrat dans ce contexte sensible, où la logique de transition semble parfois ralentie par des décisions en suspens et le manque de synchronisation des acteurs économiques et politiques en présence. Malgré cela, la transition énergétique dans le domaine du transport par route avance, grâce à la volonté des professionnels sur le terrain :
Truckeditions :malgré les défis auxquels MAN Truck & Bus a dû faire face au cours de l’année écoulée, tels que la pandémie, la guerre en Ukraine et des bouleversements macroéconomiques, vous avez annoncé une croissance de votre chiffre d’affaires et un résultat d’exploitation ajusté positif (+ 4%). Comment expliquez-vous ce résultat solide malgré un arrêt de production de six semaines et une baisse du volume des ventes ? Quels facteurs ont contribué à cette réussite, notamment en ce qui concerne l’activité de services aux véhicules qui a joué un rôle important dans les bénéfices de l’entreprise ?
Jean-Yves Kerbrat :
“2022 a été une année compliquée pour notre groupe, puisqu’en complément de la crise des semi-conducteurs ou des impacts liés à la pandémie, nous avons été directement touchés par la guerre en Ukraine, puisque, vous le savez, certains de nos sous-traitants étaient basés là-bas, ce qui nous a contraints à arrêter notre production pendant plus de 6 semaines. Malgré cela, nous avons travaillé sur diverses mesures pour relancer la production, ce qui a parfois entraîné des retards de livraison dont nous nous excusons. Nous avons également travaillé sur la maîtrise des coûts. Au final, nous avons terminé l’année à l’équilibre, ce qui, compte tenu des défis auxquels nous avons fait face, est une performance satisfaisante. De plus, notre activité dans les services aux véhicules a joué effectivement un rôle important dans nos bénéfices.“
Truckeditions : c’est sans doute aussi le moment de parler des nouveaux usages commerciaux, vos clients évoluent vers une nouvelle manière de travailler avec vous, on parle de “location de solution de transport” versus une acquisition de véhicule plus classique. Pourquoi ces changements et selon vous pour quelles raisons contextuelles ? Quels sont les défis que MAN doit relever pour maintenir sa croissance en 2023 et au-delà, et quelles sont les mesures que l’entreprise prend pour se préparer à ces défis ?
Jean-Yves Kerbrat :
“La production de véhicules a considérablement augmenté et nos clients sont amenés à investir davantage. Chez MAN, nous réaliserons une bonne année en 2023. De plus, nous observons une évolution des usages. Nous sommes passés d’une logique d’acquisition à une logique d’utilisation, et de plus en plus, nos clients recherchent des solutions globales qui intègrent l’ensemble des éléments constitutifs du véhicule, notamment l’entretien et la consommation de carburant. Au fil des cinq dernières années, nous avons réussi à réduire les consommations de carburant de nos véhicules de près de 20%, ce qui améliore considérablement les performances de nos clients. Ces sujets sont aujourd’hui des enjeux majeurs dans le développement de notre activité camion.”
Truckeditions : pour continuer, vous avez également actuellement un rôle de conseiller envers vos clients concernant la transition énergétique. Comment intégrez-vous effectivement tous ces paramètres techniques (motorisations, métiers) à la partie tout aussi fondamentale de cette transition à plus long terme ?
Jean-Yves Kerbrat :
“Il y a encore quelques temps, nous avions pour coutume de dire que nos équipes étaient “des consultants en consommation”. Leur rôle était d’accompagner les clients pour tirer le meilleur parti de leur véhicule, notamment concernant les consommations de carburant.
Et il est vrai que le métier évolue aujourd’hui : nous devenons davantage des conseillers en matière de décarbonisation du transport, puisque c’est un sujet qui est de plus en plus prégnant pour nos clients transporteurs, eux-mêmes challengés par leurs propres clients, les chargeurs. Ça veut dire que l’on est de plus en plus en train d’accompagner nos clients et de leur proposer des solutions qui sont plus vertueuses et vertes.
Si on se projette à plus long terme, c’est d’abord le basculement vers l’électromobilité qui va primer. Demain, les véhicules seront d’abord électriques, en 2030, un camion sur deux sera un véhicule électrique, parce que ce sont des véhicules qui émettent zéro émission de CO2 et qui, progressivement, vont permettre d’offrir un coût d’exploitation identique à celui que l’on connaît déjà avec les véhicules diesel. Donc cette bascule vers un transport propre avec zéro émission est engagée et on pense que 2025 devrait être un moment où le TCO (coût total de possession) des véhicules électriques devrait pouvoir se rapprocher du TCO des véhicules diesel. Et puis, en attendant, il faut aussi que nous proposions des solutions concrètes à nos clients et c’est le sens de notre engagement vers les biocarburants. Aujourd’hui, des solutions de type B100 ou HVO nous permettent de réduire de 65 à 90 % les émissions de CO2 et ce sont des solutions qui sont faciles à mettre en œuvre pour les transporteurs afin de pouvoir graduellement décarboner leur transport.”
Truckeditions :ce sont aussi des solutions qui sont très rentables pour les constructeurs qui ont des plateformes déjà mises en place. Par exemple, votre dernière gamme de tracteurs va être totalement rentabilisée grâce à cette option de biocarburant compatible avec les moteurs thermiques…
Jean-Yves Kerbrat :
“Ce n’est pas forcément une question de rentabilité pour les constructeurs, puisqu’en fin de compte on pourrait penser que vendre un véhicule diesel ou un véhicule qui fonctionne au biocarburant, c’est le même exercice. Donc, ce n’est pas forcément une question de rentabilité, c’est plus une question d’engagement, de rôle vis-à-vis de nos clients transporteurs, de leur donner in fine la possibilité de décarboner leur transport. En fait, ça n’a pas d’impact sur la rentabilité du constructeur, pas plus que sur celle des clients, mais par contre, c’est une contribution forte à la réduction des émissions de CO2. “
Truckeditions : le développement des camions électriques de MAN Truck & Bus représente une solution nécessaire vers des transports plus durables. Pouvez-vous nous expliquer comment MAN prévoit de soutenir l’infrastructure de charge nécessaire pour répondre à la demande croissante d’électricité des camions électriques, estimée à 37 térawatts par an en Europe d’ici 2030 ?
Jean-Yves Kerbrat :
“Comme je l’ai mentionné précédemment, un camion électrique ne produit aucune émission de CO2 et contribue donc aux objectifs de réduction des émissions de CO2 fixés par les accords de Paris. Cet engagement envers les véhicules électriques a du sens pour la planète, mais aussi pour nous et les transporteurs, dès lors que nous pouvons leur offrir un coût total de possession (TCO) compétitif.
Et cela doit être accompagné d’une infrastructure adaptée, qui passe d’abord par l’équipement d’un certain nombre de routes principales avec des super-chargeurs (chargeurs à haute capacité). C’est dans ce sens que la joint-venture, mise en place entre les groupes Traton, Daimler et Volvo, a décidé d’investir plus de 500 millions d’euros dans la création de 1 500 stations de recharge rapide dans huit pays européens. Pour vous donner une idée, cela représente environ deux à trois stations par département sur les principaux axes routiers, ce qui permettra de recharger les véhicules plus rapidement lorsqu’ils sont en utilisation routière. Voilà un exemple concret de l’engagement des constructeurs.
Bien sûr, les pouvoirs publics doivent également jouer leur rôle et les clients doivent équiper leurs dépôts de bornes de recharge. C’est un ensemble de mesures qui est en train de se mettre en place et qui devrait permettre d’avoir des véhicules électriques dont le TCO sera comparable à celui des véhicules thermiques d’ici 2025 ou 2026.
D’autres parts, notre MAN eTruck sera lancé fin 2024. J’aime parfois le comparer à un iPhone 15, car il sera de dernière génération, équipé des dernières technologies de batterie et de système avancé de gestion de batterie. L’intérêt de ce véhicule est qu’il devrait consommer suffisamment peu d’électricité pour rentabiliser l’investissement demandé aux transporteurs. Le fait qu’il soit comparable à un iPhone 15 justifie le fait qu’il arrive un peu plus tard que les véhicules électriques de nos concurrents. Et je le répète, l’objectif de ce véhicule n’est pas de pouvoir se positionner aux côtés des offres thermiques, parfois jugées trop chères, mais c’est vraiment d’être compétitif dans le monde du transport, avec justement les TCO des véhicules thermiques.“
Truckeditions :continuons avec vos engagements environnementaux, parlons maintenant de votre politique RSE, en particulier au sein de MAN Truck & Bus. Pouvez-vous nous parler de votre implication dans ce domaine ?
Jean-Yves Kerbrat :
“Nous avons clairement fixé un objectif de réduction des émissions de CO2 à l’usine, visant une réduction de près de 70% dans la production et les approvisionnements, et de près de 30% dans l’utilisation des véhicules par nos clients. Nous mettons également en œuvre des mesures concrètes telles que le calcul de l’empreinte carbone, la promotion du verdissement de notre flotte ou encore l’installation de systèmes photovoltaïques sur nos garages. À travers ces actions concrètes, nous cherchons à donner du sens à notre engagement et à notre volonté de décarboner le transport, au sein des équipes. “
Truckeditions :vous avez un parcours professionnel que l’on pourrait qualifier de « vacciné au gazole », chez Mercedes-Benz et MAN Truck & Bus avec à votre actif, entre autres, un poste de direction de la division Europe de l’Ouest (11 pays) pour MAN Trucks & Bus. En tant que dirigeant avec ce background, que souhaitez-vous apporter actuellement à vos équipes chez MAN, dans ce contexte de transition énergétique ?
Jean-Yves Kerbrat :
“Je pense qu’il est important pour un dirigeant de donner une vision à ses équipes. La vision que je vous décris aujourd’hui, axée sur la décarbonisation du transport et l’accompagnement de nos clients avec des solutions à court et à long terme visant à réduire les émissions de CO2, donne du sens aux équipes et à notre travail. J’ai évoqué notre approche RSE mise en place chez MAN, qui permet clairement à nos collaborateurs de s’investir dans un projet qui ne se limite pas à la vente de camions, de bus ou de véhicules utilitaires, mais qui contribue également au respect de la planète. Je pense que c’est un sujet réellement important. “
Catherine Mahé Godeloup pour Truckeditions
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