IVECO : une trajectoire énergétique réaliste pour les utilitaires et les poids lourds ?
Conférence IVECO : maintien des équilibres opérationnels et ajustements technologiques adaptés aux transporteurs
Les transporteurs le savent : s’adapter, c’est souvent une affaire de compromis entre contraintes terrain, marges de manœuvre techniques et choix budgétaires. En 2024, IVECO France n’a pas cherché à bousculer l’ordre établi, mais plutôt à accompagner le mouvement, en prenant soin de ne pas brûler les étapes. Lors de la conférence de presse organisée le 2 avril dernier, Stéphane Espinasse, président d’IVECO France, et Clément Chandon, directeur des énergies alternatives, nous ont présenté un état des lieux précis des performances commerciales et industrielles de la marque. Résultat : une stratégie qui reste ancrée dans le réel, avec des véhicules pensés pour des usages bien identifiés, des chiffres solides dans plusieurs segments clés, et une transition énergétique abordée de manière progressive, sans imposer un modèle unique. Derrière les volumes, c’est bien la logique d’ajustement et de partenariat avec les transporteurs qui veut structurer l’action d’IVECO.

Des résultats nationaux à l’équilibre sur les VU et PL, malgré un ralentissement du segment tracteur
En 2024, IVECO a enregistré 18 565 immatriculations sur le marché français des véhicules de 3,5 tonnes et plus, se maintenant en 2ᵉ position avec 12,1 % de parts de marché. Sur la tranche 3,5 à 5 t, 13 708 véhicules ont été immatriculés (13,2 % de pdm). Le segment supérieur (au-delà de 5 t) a cumulé 4 857 unités, représentant 9,8 % du marché national. L’utilitaire léger reste « porteur », avec une croissance globale de +11,8 %,. L’analyse des porteurs (1 486 unités en 2024) montre une progression de +24 % par rapport à l’année précédente, avec une percée notable sur les segments spécifiques comme les bennes à ordures ménagères (7 % de part, en hausse de 4,3 points).
Utilitaires légers : consolidation des positions sur le châssis-cabine et recul du segment électrique
IVECO continue de dominer le segment des châssis-cabines dans le marché des VU de 3,5 à 7,5 t. En 2024, plus de 8 Daily sur 10 vendus étaient des châssis-cabines, dont 54 % dans le frigorifique, 41 % en nacelles et 24 % en bennes. Le fourgon reste en retrait, bien que la marque conserve la 3ᵉ position. L’offre électrique, avec l’eDaily, a subi une contraction de 37 %, ramenant les volumes à 252 unités, tandis que les Daily GNV ont atteint un record à 884 véhicules. Cette dichotomie souligne les limites actuelles de l’électrification dans un contexte de réduction des aides publiques.
Gamme intermédiaire (7,5 à 15,9 t) : hausse marquée sur l’Eurocargo et leadership en gaz
Le segment intermédiaire a connu une hausse de 21,7 % en France, atteignant 4 902 véhicules immatriculés. IVECO y conserve la 2ᵉ position avec 944 unités (+31,1 %) et atteint sa meilleure part de marché depuis 2018 (19,3 %). Le gaz naturel y est fortement représenté : 273 véhicules GNV immatriculés, soit 47,8 % de part sur les énergies alternatives. L’élargissement de l’offre Eurocargo jusqu’à 19 t ouvre la voie à de nouveaux usages, en particulier pour les collectivités et les applications en bennes.
Gamme lourde : contraction globale mais progression sur les porteurs
Le marché des poids lourds de plus de 16 tonnes s’est replié de 4,1 % en 2024. IVECO y totalise 2 469 immatriculations, dont 983 tracteurs et 1 486 porteurs. La part de marché des porteurs atteint 8,5 %, niveau jamais atteint depuis 2018. En énergies alternatives, la part d’IVECO grimpe à 11,7 %, et même à 39,4 % sur le gaz. Le nouveau S-Way, bénéficiant d’améliorations aérodynamiques et d’une motorisation Cursor 13 peut réduire sa consommation de 10,54 % selon le constructeur, par ailleurs un S-eWay porteur arrive sur le marché en 2025, nous vous en dirons plus bientôt.
Stratégie client : une diversité énergétique au service de la faisabilité opérationnelle
L’approche d’IVECO repose sur un principe d’adaptabilité. En matière de transition énergétique, la marque développe simultanément plusieurs filières – diesel optimisé, gaz naturel, électrique, et bientôt hydrogène – afin de répondre à la pluralité des usages.
Dans cette optique, Stéphane Espinasse, président d’IVECO France, résume la philosophie du constructeur :
« Notre mission est avant tout d’être à l’écoute des transporteurs. La transition énergétique ne peut pas être imposée de manière uniforme : chaque client a ses propres contraintes. C’est pourquoi nous offrons un large éventail de solutions adaptées – du diesel optimisé au gaz naturel, en passant par l’électrique, et bientôt l’hydrogène. Nous avançons ensemble, dans une véritable logique de partenariat. »
Ce positionnement trouve un prolongement dans l’offre GATE de location longue durée à paiement l’usage, mais aussi dans la collaboration active avec les carrossiers, réseau de concessionnaires et centres techniques. L’objectif reste de maintenir un coût total d’exploitation (TCO) maîtrisé, tout en expérimentant progressivement les nouvelles solutions.
Focus Énergies Alternatives
Lors de la conférence, Clément Chandon, Directeur Énergies Alternatives France, a dressé un tableau sans détour de la situation actuelle du marché des motorisations alternatives dans le transport routier. À ses yeux, la progression vers la décarbonation n’est pas linéaire, et les signaux du terrain sont parfois en décalage avec les objectifs réglementaires européens.
Selon lui, « aucune solution ne remplace l’autre : c’est la diversité énergétique qui permet aujourd’hui au transport routier de continuer à avancer ».
Une approche multi-énergie qui reste au cœur de la stratégie d’IVECO, et qui se décline sur tous les segments — de l’utilitaire au poids lourd.
Clément Chandon a notamment insisté sur la baisse sensible des immatriculations électriques dans le segment des VUL en 2024, marquant un recul de 41 % malgré un marché global dynamique. Il pointe plusieurs causes : la fin des aides post-COVID, la pression économique sur les marges des transporteurs, et une certaine saturation du parc chez les loueurs. En parallèle, le gaz naturel (GNV et bioGNV) montre une résilience notable, avec près de 900 Daily au gaz immatriculés, un record pour IVECO. Cette tendance s’observe aussi sur les gammes intermédiaires, où l’Eurocargo GNV représente près de 100 % des motorisations alternatives du segment.
En ce qui concerne le poids lourd électrique, il observe un retard d’exécution dans les appels à projets pourtant validés, évoquant un pourcentage trop important de véhicules non encore immatriculés malgré leur attribution. Les freins sont clairs : coûts d’infrastructure, faibles subventions effectives et complexité administrative. À court terme, les transporteurs privilégient encore le gaz ou les biocarburants (B100 notamment pour la France) pour répondre à leurs obligations, en particulier dans les flottes publiques et les marchés spécialisés comme la collecte des déchets.
Pour lui, la réussite de la transition énergétique passera par un alignement plus cohérent entre ambitions réglementaires, leviers économiques et réalités opérationnelles. Et si la fiscalité évolue, comme prévu avec le retour du suramortissement électrique et la future taxe sur les flottes non décarbonées, alors les stratégies d’achat devront, elles aussi, être réévaluées dans les entreprises de transport.
Une organisation industrielle adaptée aux multi-énergies et à la relocalisation partielle
IVECO a renforcé ses capacités industrielles sur plusieurs sites stratégiques : Suzzara pour l’eDaily, Ulm pour les modèles lourds électriques en partenariat avec Nikola, et Valladolid pour une production additionnelle. La marque dispose également de 4 centres R&D en France, consolidant sa position industrielle avec 4 000 collaborateurs. Ces infrastructures permettent la fabrication de gammes thermiques optimisées, électriques et au gaz sur des lignes flexibles. L’évolution vers l’hydrogène est amorcée via un partenariat avec Air Liquide, une première station étant prévue à Lyon.
Perspectives 2025 : arbitrages économiques et reconfigurations réglementaires en vue
Les prévisions 2025 misent sur un redémarrage progressif des investissements, bien que les premiers mois de l’année montrent un repli de 9 % sur le marché utilitaire. Le contexte réglementaire évolue : le monitoring CO₂ entré en vigueur début 2025 impose aux constructeurs un objectif de réduction progressif jusqu’à –43 % d’ici 2030. La suppression de certaines aides publiques et les nouvelles règles fiscales sur le verdissement des flottes posent des contraintes économiques pour les transporteurs. Le GNV redevient compétitif, soutenu par une production nationale de biométhane en forte croissance (plus de 50 % de bioGNV attendu en 2024), ce qui redonne de la viabilité à cette énergie pour les flottes.
Les données 2024 d’IVECO France illustrent une dynamique contenue mais lucide dans un environnement logistique en recomposition. L’entreprise semble avancer par ajustements successifs, en intégrant les réalités économiques des transporteurs et les contraintes réglementaires. L’électrification partielle du parc ne constitue pas, à ce stade, une rupture, mais potentiellement un levier parmi d’autres, dans un éventail énergétique diversifié. La poursuite de la baisse du TCO reste le moteur de cette stratégie. Dans les prochaines années, l’attention devra se porter sur la soutenabilité des investissements pour les PME du transport routier, en parallèle d’une montée en puissance technique des réseaux, des carrossiers partenaires et des infrastructures de recharge ou de ravitaillement. Le rôle du constructeur évolue ainsi vers celui d’un intégrateur de solutions adaptées, plutôt qu’un prescripteur de technologies.
CGM pour Truckeditions
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